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La Mecque de la fracture sociale

Le pèlerinage annuel de La Mecque prend fin. Ce jeudi, la lapidation symbolique de Satan doit se tenir avant les dernières circonvolutions autour de la Kaaba. Environ 2,8 millions de fidèles se sont ainsi rendus en Arabie saoudite afin d’accomplir un des cinq devoirs religieux préconisés par l’islam. Pas d’incident notable ne s’est produit, contrairement aux années précédentes au cours desquelles de fréquentes bousculades avaient causé des dizaines de morts. Comme à l’accoutumée, les chaînes de télévision occidentales se contentent de relater l’évènement “vu d’en haut”, avec des plans larges et sans contact suivi avec les fidèles qui s’y déplacent. Une exception à la règle : Al Jazeera English. Sa prestigieuse marque de fabrique, une ligne éditoriale audacieuse et des moyens financiers considérables lui permettent de proposer aux téléspectateurs un autre regard sur cette frange, pieuse et hétéroclite, de la communauté musulmane internationale. Avantage de la démarche initiée par la chaîne du Qatar, basée à Londres : révéler, en images, de nouvelles perspectives sur ces individus méconnus.

Deux courts reportages (en anglais) illustrent cette innovation journalistique quand il s’agit de couvrir le pèlerinage de la Mecque : dans le premier, nous apprenons l’existence d’une sourde lutte des classes parmi les fidèles, certains dormant sur le sol tandis que d’autres sont logés dans un luxueux hôtel 5* situé en plein coeur de la ville ; dans le second, le reporter révèle le consumérisme effréné aux abords des lieux saints. Les deux sujets évoquent en images un fait rarement rapporté : loin de dissiper les différences sociales, le pèlerinage de La Mecque, tel qu’il est encadré par les autorités saoudiennes, accentue, entre les fidèles, un profond sentiment d’inégalité quant à leurs conditions de vie.

Dans ces deux reportages, certaines images clinquantes, typiques du goût tapageur de la bourgeoisie des pays arabes, contrastent avec l’austérité d’autres clichés, ceux-là datant de plus d’un siècle. En 1885, un espion hollandais, Christiaan Snouck Hurgronje, a capturé des images, ainsi que des sons, de son voyage à La Mecque. Ce converti à l’islam était en cela un véritable “pionnier du journalisme multimédia” comme le qualifie CNN qui l’a récemment présenté à ses téléspectateurs. Des photographies en sépia, prises par cet aventurier iconoclaste, sont exposées dans une galerie de Dubai jusqu’au 6 décembre.

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A défaut de reportages en profondeur réalisés par des médias français, le cinéma, comme souvent la littérature, peut s’avérer une meilleure passerelle d’accès au réel. Ainsi en va-t-il, sur ce sujet, du film réalisé en 2004 par Ismaël Ferroukhi et intitulé “Le grand voyage”. Un récit initiatique dans lequel deux hommes, un pèlerin plutôt conservateur et son fils, rétif au religieux, vont apprendre à se découvrir au travers d’une expédition sinueuse, démarrée dans le sud de la France pour se finir à La Mecque. Cette oeuvre cinématographique, primée au festival de Venise, témoigne subtilement, et mieux que ne l’ont fait jusqu’à présent les télévisions françaises, de la variété des sensibilités et des contradictions au sein de la communauté musulmane et ce, simplement à travers l’exemple de deux hommes contraints, le temps d’un voyage, de conjuguer leurs différences.

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