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Evènements de Seine-Saint-Denis : récupération ?

« Provocations », « complot », « manœuvres », « récupération ». La rhétorique policière va bon train à propos des évènements de Seine-Saint-Denis. Il faut expliquer ces évènements, et si possible leur donner une explication simple : des « groupes » seraient à l’œuvre, qui « manipuleraient » les jeunes, et s’emploieraient à « souffler sur les braise ». Quels « groupes », pourquoi, comment, à quelles fins, voilà ce que la dialectique des forces de l’ordre ne dira pas. Pas plus qu’elle ne dira ce que sont et d’où viennent ces « braises » sur lesquelles il serait si facile de souffler…

Un grand sociologue disait naguère en substance que la question qui se posait était moins de savoir pourquoi des voitures brûlaient dans les banlieues que de comprendre pourquoi il n’y en avait pas plus. Car c’est à l’évidence la situation objective de ces quartiers populaires laissés à l’abandon sur fond de chômage massif et de précarisation de la vie, sur fond de discriminations, de violences policières, d’ethnicisation des relations sociales, d’humiliations et de désespoir qui les conduit à exploser. Le gazage délibéré de la mosquée de Clichy par des membres des forces de police, leur agressivité, rapportée par tous les témoins, à l’encontre de populations dignes et pacifiques, la brutalité arbitraire avec laquelle est mis obstacle aux tentatives de pacification de la situation par les habitants du quartier eux-mêmes, est à la fois une illustration de cette situation et l’un des facteurs de son aggravation. Les propos irresponsables et méprisants du ministre de l’intérieur en sont d’autres.

La paix civile, nécessaire à toute avancée sociale, ne passe pas par la fuite en avant dans l’écrasement moral et physique des quartiers populaires, massivement peuplés de populations issues de la colonisation et de ses suites. Elle ne passe pas par le laminage de cette minorité visible qui constitue, dans ces quartiers, de larges majorités. Elle ne passe pas par la perpétuation d’une gestion coloniale des banlieues, par une militarisation de leur vie quotidienne, par un pouvoir sans cesse accru des porteurs d’uniformes noirs ou bleus, armés de Flash-Ball et de lacrymogènes, qui aboient, hurlent et frappent.

L’idée que les jeunes gens qui ne savent plus canaliser leur révolte seraient de simples marionnettes manipulées par des groupes aux projets obscurs est en elle-même une insupportable marque de mépris. Elle traduit la logique coloniale avec laquelle la république considère ses indigènes d’aujourd’hui.

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À voir dans les « banlieues » des « territoires perdus » que la République devrait reconquérir, les agents – idéologiques et policiers – du pouvoir se donnent certes une bonne contenance. Ils délivrent un discours de nature à plaire à celles et ceux dont on entretient la peur, et qui ne connaissent des « quartiers » dits « difficiles » que ce que l’on raconte à chaque occasion : qu’ils seraient des nids de délinquance et de violence quotidienne, le repère des intégristes et des voyous, le lieu des tournantes dans les caves et de tous les petits trafics. Boucs émissaires faciles d’une société à la dérive, il est facile de les montrer du doigt : et peu importe que ce soit au prix de mensonges ressentis par des populations entières comme autant d’insultes.

C’est ainsi que les évènements récents renforcent le Mouvement des Indigènes de la République dans sa certitude que seuls de profonds bouleversements, tant sur le plan politique et social que sur le plan idéologique et moral, pourront éviter l’enchaînement de la violence et du désespoir.

S’ils appellent au calme, c’est d’abord en appelant à la détermination, en appelant les populations discriminées à s’organiser et à s’exprimer avec force, à prendre en main le combat pour l’égalité, à refuser leur enfermement dans l’indigénat de fait qu’illustre le traitement du drame de Clichy-sous-Bois, à lutter pour la décolonisation de la République.

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